Culture du Paysage : Interviews avec des professionnels du paysage

Ode Pereira, 33 ans, Conceptrice de jardins en Entreprise Individuelle
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Interview d'un professionnel du paysage
Arpadd


L'Ode des Jardins
" Borda Zahar "
Route d'Ainharp
64 130 Mauléon - Soule
Courriel : ode.artpaysage@yahoo.fr
Site : www.ode-artpaysage.com.fr

1. Qui êtes-vous ? Quel est votre cursus ? Pour quel employeur travaillez-vous ?

Bonjour, bonjour, je m'appelle Ode Pereira, j'ai 33 ans et je suis Plasticienne Paysagiste.
Je suis diplômée de l'Ecole Supérieure d'Art et Design de Reims (51) et de l'Ecole Supérieure des Beaux - Arts de Quimper (29). Par la suite, je me suis spécialisée dans le paysage et je suis diplômée par le Conservatoire International des Parcs et Jardins de Chaumont sur Loire (41).

J'ai été chargée d'études pour la Direction des Espaces Verts de Quimper (29) ainsi que pour les Entrepreneurs en Paysage " Pascal Bellocq Paysage " et " Glazik Paysage " (29)
Puis je fus assistante paysagiste pour Marielle Levy, Paysagiste DPLG (40).
Ces expériences m'ont permis d'aborder différents aspects du paysage :
- La conception d'aménagement urbain, de place de village, de parc public et de jardins privés.
- La restauration de plusieurs parcs Inscrits aux Monuments Historiques : le Parc du Château de Caupenne, XVIIème siècle (64), le Parc à l'anglaise du Théâtre de Quimper (29) et le jardin Art Déco d'Albert Laprade (29).

Par ailleurs, j'ai travaillé en tant que jardinière aux espaces verts. Cela m'a permis d'acquérir des connaissances techniques et essentielles à l'exercice de mon métier. Je connais ainsi les contraintes sur le terrain et j'en tiens compte lorsque je crée mes jardins.

J'ai également 5 ans d'expérience en qualité de formateur en Art et en Paysage. Je suis intervenue auprès d'un public scolaire (29), auprès du personnel des Espaces Verts de Quimper (29), et j'ai été maître de conférences en paysage à l'Ecole d'Architecture de Bretagne, Rennes (35).

En 2006, j'ai ouvert mon bureau d'études " L'Ode des Jardins ", dans la région Nord Pas-de-Calais.
Je crée des jardins oniriques et personnalisés, afin que chacun puisse se retrouver dans les espaces que je crée. Je ne répète jamais deux fois le même jardin.

Depuis cet été 2007, je réside dans une ville charmante entourée d'onduleuses collines vertes, qui se nomme Mauléon. Je travaille chez moi et depuis les fenêtres de mon bureau, nichées au cœur des Pyrénées Atlantiques, je trouve l'inspiration dans un paysage féerique digne des romans de Tolkien.


2. Justement, parlez-nous de votre poste et de vos responsabilités.

Je dirige seule ma micro entreprise. Ce qui signifie que je gère à la fois :
- La production. Réalisation de l'A.P.S., l'AP.D. et du projet final.
- Les rencontres avec les professionnels. Déplacements, appels téléphoniques et visites aux entreprises. Ex : Choix des végétaux chez les pépinières.
- Les visites conseils. Conseiller le propriétaire dans le choix des entreprises, l'assister dans les relations avec les entreprises, coordonner les travaux et l'aspect financier.
- Les réunions de chantiers. Visiter le chantier avec les entreprises, mettre en place un planning général, réaliser un planning d'exécution des travaux, suivre de chantier hebdomadaire.
- Le secrétariat et le standard téléphonique.
Rédiger les courriers, les factures, les devis, les rapports de synthèse suite aux réunions, les nouvelles consignes pour les entreprises.
- L'aspect financier. La comptabilité (tenir un journal de compte, calcul des dépenses et des recettes…). Pour la gestion prévisionnelle je suis aidée par un professionnel.

Grâce une formation de 6 mois suivie à la " Boutique Gestion Entreprise ", j'ai appris à devenir un chef d'entreprise. Pendant cette période, j'avais également réalisé une étude de marché qui m'a valu le premier, remis par un jury composé de professionnels (banquier, assureur, élu, PDG, directeur d'une pépinière d'entreprises...).

Les aspects positifs :

î La liberté d'action.
C'est très plaisant de pouvoir décider seule et de pouvoir agir librement sans avoir un responsable au dessus de soi.
î La gestion de son temps.
J'ai un planning irrégulier. Mais en général, je travaille de 9h à 14h00. Je déjeune 1/4h (souvent mal et devant l'ordinateur) et je poursuis jusqu'à 19h30/20h. Je prends mon dimanche et parfois une après-midi. Sinon, il m'arrive de prendre 3 heures, étalées dans la semaine, pour effectuer des petites tâches personnelles (étendre du linge, aller à la boulangerie, etc.).

Autrement, lorsque je suis concentrée sur une idée, je peux travailler environ 13 heures/jour, pendant 10 ou 15 jours d'affilés (soirées et week-ends compris), jusqu'à ce que " j'accouche " d'un projet achevé. Après cet effort, je suis vidée et il ne faut rien me demander les trois jours suivants. Je ne dirai pas que cette façon de travailler soit négative, car pour le moment elle me convient bien.

Les côtés négatifs :

î Un salaire décourageant.
Au début de mon activité, j'ai fait un bilan prévisionnel sur le Chiffre d'Affaire envisagé pour les prochaines années. Après déduction des charges, on peut comparer mon salaire à un Revenu Minimum d'Insertion, et ce pendant les trois premières années de mon activité.
Au bout de ce cap, je devrai obtenir un SMIC et percevoir un peu plus les années suivantes.

Il est clair, que si j'avais eu des enfants de suite et si je n'avais pas été appuyée par mon mari (qui apporte un salaire au foyer, me soulage de l'intendance et me soutient moralement dans mon projet d'entreprise), je ne crois pas que j'aurai pu me lancer dans cette aventure.
Je ne dis pas que cela soit impossible. Mais il faut prendre conscience que c'est beaucoup de temps à donner, pour beaucoup de risques et au début très peu d'argent.

Heureusement, mon métier demande peu d'investissement matériel : un véhicule, un ordinateur
(+ Scan et imprimante), un appareil photo, une table à dessin, du calque et des crayons.
Je n'ai donc pas besoin de faire d'emprunt pour louer un local ou acheter du gros matériel.

3. Quelles sont vos qualités et vos défauts qui ont influencé votre carrière ?

Etant d'origine latine, je suis enthousiaste de nature et me donne entièrement à ce que je fais.
Je marche à la passion, c'est elle qui me transporte et me permet de créer.
Et puis j'aime relever les nouveaux défis.
Lorsque je commence une étude, je m'imprègne du lieu, de ses contraintes et des personnes qui l'habitent, puis j'invente une petite histoire et je me la raconte. Dès que je tiens ce fil rouge, le reste surgit. Je visualise des espaces scéniques, je perçois des ambiances poétiques, des couleurs envoûtantes, j'entends le chuchotement de l'eau et je sens déjà le parfum enivrant des fleurs…
Je n'ai plus qu'à laisser exprimer ma palette végétale. Je compose, je choisis la plante en fonction de son graphisme, de la manière dont elle répond à la lumière, de ses couleurs, de son parfum.
Je prends en compte les paysages sonores naturels (le bruissement des végétaux, le murmure de l'eau), j'agrémente par des sculptures visuelles et j'oriente les regards vers ces points visuels et sonores. J'aiguise ainsi les sens par l'odorat, la vue, l'ouïe et le toucher.
Pour parvenir à modeler l'ambiance de ces jardins rêvés, je suis Très exigeante avec moi-même.
C'est pour cette raison que je ne veux pas être commandée, j'ai au contraire besoin d'indépendance et de liberté pour révéler mon imaginaire.


Un professionnel féminin dans ce métier : un obstacle à l'évolution d'une carrière ?
J'aimerais aborder une réalité rencontrée plusieurs fois au cours de mon travail :
La méfiance et la perplexité masculine.

Que les choses soient claires, je ne souhaite pas apporter une critique féministe, mais souligner un point existant. Les individus qui exercent dans le domaine du paysage ainsi que les personnes que nous sommes amenées à rencontrer dans le métier (élus, chefs d'entreprises, etc.), sont essentiellement des hommes.
Aussi, être une femme travaillant dans ce milieu, qui plus est une artiste qui parle de jardins poétiques, sera bien perçue par une majorité de la gente masculine, certes, mais complètement méprisée par quelques éléments machistes. Je déconseille d'ignorer cette minorité, car souvent, il s'agit d'une personne qui a de l'influence et qui ne demande qu'à nous éjecter du ring.
Je suis une personne très orgueilleuse et dans ce cas, ce défaut m'a bien aidé. Car avec de la détermination, beaucoup de sérieux à maintenir mes engagements, des heures de travail supplémentaires et une grande dose de malice féminine, je suis parvenue à acquérir la reconnaissance professionnelle de ces personnes. C'est un combat à mener et j'avoue que je ne suis pas parvenue à faire disparaître leur perplexité... (Rire).


4. Quel est votre souhait d'évolution ? Votre avenir professionnel ?

Jusqu'à présent, l'entreprise s'annonce bien. Et j'ai du travail en perspective.
Dans deux ans environ, j'envisage une collaboration avec une personne ayant un profil différent du mien. Le facteur humain est important, car je cherche dans cette relation professionnelle quelqu'un de complémentaire avec qui échanger et partager nos savoirs.
J'imagine cette personne avec du tempérament, de l'autonomie, sachant prendre des initiatives et ayant une sensibilité artistique développée (pas forcement un créateur mais au moins qu'il ou elle comprenne le langage de l'art et de l'expression poétique).


5. Comment ressentez-vous l'avenir pour votre structure ? Pour l'architecture du paysage en général ?

Je suis optimiste et je pense sincèrement que mon projet est viable. Et ce pour plusieurs raisons :
- Le marché du paysage est en développement.
Cf. rapport de l'UNEP 2005 (Union Nationale des Entrepreneur du Paysage).
- C'est un métier nouveau et original.
- Une réflexion écologique.
Je suis soucieuse de la pérennité écologique de mes créations aussi je veille à ce que mes jardins permettent à la faune et la flore de cohabiter.
- Je reçois un accueil très favorable.
Les personnes que je rencontre montrent de l'intérêt et de la curiosité pour ce que je fais.
Je n'ai pas encore réellement fait de publicité. Un article est paru en première page du journal local, ce qui m'a permis d'accrocher mes premiers clients. Depuis, le travail me parvient simplement par le " bouche à oreille ". Néanmoins, j'aspire à faire connaître davantage mon entreprise par le biais d'expositions, d'Internet, etc.
A ce propos, je remercie vivement l'Arpadd de me recevoir dans son site.

Un travail à échelle nationale ?
Bien que je sois installée aujourd'hui dans le Sud Ouest, je suis sollicitée dans le Nord et la Bretagne. Aussi, je m'interroge sur les possibilités de travailler à distance…

Ode Pereira
Mauléon, le 8 Octobre 2007

Propos recueillis par PaulVincent HUBERT.


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(entreprise) Dirigeant, Conducteur de travaux, Chef de Chantier, Responsable de bureau d'études, Collaborateur polyvalent
(bureau d'étude) Architecte DPLG, Architecte paysagiste, Ingénieur Paysagiste, Technicien de BE, Directeur de BE
(collectivité) Ingénieur Paysagiste, Architecte Paysagiste en CAUE, Directeur, Technicien Supérieur, Agents de maîtrise.


 
   
 
© Paul-Vincent HUBERT 2006 - 2008